Le wagon dort. Un sommeil bercé par le rythme du train, devenu le silence des voyageurs. Je sens une main tapoter sur mon épaule. C’est le Provodnitsa qui nous réveille : « Irkoutsk », sourire. Déjà ? Nous regardons l’heure, pas évident : sur une montre il est 2h, l’heure de Moscou, celle affichée sur les billets de train et les horloges des gares. Une autre affiche 7h. L’heure d’Irkoutsk, c’est bien ça ? Et 1h, c’est l’heure en France. On s’y perd !
Nos horloges remises à l’heure et un brin de toilette plus tard, nous sautons du train, saluons Norman, Nadine et Titus et d’autres voisins de wagon. Première étape, le guichet de la gare, prendre notre billet pour Oulan-Udé, le 31 mai. Sans avoir le temps de nous orienter dans cette nouvelle gare, d’accueillantes hôtesses nous indiquent le chemin. Seconde étape, trouver le tram pour la gare routière. On traverse d’abord la ville dans le mauvais sens. Puis, ayant attisé la curiosité des femmes russes dans le tram, qui nous aident à retrouver notre chemin, nous voilà au départ du minibus pour l’île d’Olkhon, avec Juliette et Jérémie, rencontrés à la sortie du train.
Le véhicule plein de ses treize places, fonce à travers des paysages de steppes et de montagnes, ignorant les nids-de-poule (effet montagnes russes assuré à l’arrière), et chassant les vaches et ponctuels piétons à grands coups de klaxons.
Comme des points sur une peinture de campagne, des troupeaux de moutons se mêlent aux chevaux sauvages, prémices des images que nous nous faisons de la Mongolie. Routes goudronnées alternent avec chemins de cailloux, mais le conducteur garde une pression régulière sur la pédale de vitesse, plutôt trop vite que pas assez ! Tombant les rapports à en faire crier le moteur lorsque la pente se fait montante, ou pour doubler un véhicule qu’il jugerait trop lent.
L’île est reliée à la terre par un bac, une vingtaine de véhicules s’emboitent comme un tetris dans un bordel organisé qui fait rire passagers et employés. Quinze minutes de traversée, et le bus repart de plus belle sur des chemins de cailloux, bordés de panneaux 70…
Nous passons une première nuit dans une guest house aux airs de camps de vacances. Profitant tout de même de ce confort bienvenu après plusieurs jours de train, nous savourons douches chaudes, repas du soir servi comme à la cantine, et matelas confortable entre quatre murs. Un peu moins la prise de tête d’un couple d’espagnol en pleine nuit. Les aléas des camps de vacances.
Ayant entendu parler du Baïkal et de l’île d’Olkhon comme étant un paradis à la nature préservée, nous quittons la guest house et ses radiateurs électriques dès le lendemain matin, après le petit déjeuner (tout de même), pour nous enfoncer plus profondément dans l’île.
Chargés de nos sacs à dos nous traversons des paysages extraordinairement variés. Plage de sable à l’allure de petit désert bordée de pins, et plages de galets, où nous achetons du poisson fumé à un vieux pêcheur qui semble s’être perdu ici avec son van gris tout terrain (UAZ-452), embourbé dans le sable proche d’un petit cabanon fait de planches. Le poisson sèche accroché à du fil de pêche tendu entre deux pins, au grand bonheur des mouches qui s’en délectent. Un peu plus loin, un sous-bois où nous apprécierons ce poisson à l’heure du déjeuner, accompagnés du bruit des vagues provoquées par le vent qui semble souffler en continue ici. Quand le soleil se rapproche des montagnes encore partiellement couvertes de neige, nous montons notre tente dans une plaine avec vue sur le lac et y apprécions un dernier repas, face à un coucher de soleil à l’allure de peinture. La fatigue finit par nous arracher à ce spectacle, nous nous endormons dans l’intimité de notre petit tente.
Le lendemain nous nous dirigeons vers une colline plus au centre de l’île, imaginant un point de vue embrassant l’horizon. A travers de grands espaces faits de prairies et de forêts qui se succèdent, nous longeons parfois les routes faites de terre voire de poussière. Le long de ces routes le sol est couvert de déchets plastiques et de verre, comme un fléau des temps modernes, depuis les ruelles des villages jusqu’au fond des forêts. L’homme pense peut-être encore naïvement qu’ils disparaitront rapidement, grignotés par la nature.
Dans le milieu de l’après-midi nous arrivons enfin sur notre perchoir. Au fond, les montagnes viennent se jeter dans les profondeurs abyssales du lac (jusqu’à 1600m de profondeur), puis les étendues d’un bleu profond à la hauteur de la réputation du Baïkal. Enfin, sur les rivages d’Olkhon, le village avec ses maisons faites de bois, en fuste pour le plus grand nombre, et leurs toits en tôles rouge, bleu, violet, orange, gris ou vert, une mosaïque de couleur agréable à l’œil. Une immense plaine d’herbe brulée par le soleil et les vents nous sépare de ce tableau. On décide d’y rester pour nos deux dernières nuits sur l’île. Un peu de repos ne nous fera pas de mal.
Avec cette impression de voir sans être vus, nous observons les allées et venues dans le village. Les minibus, moyens de transport entre Irkoutsk et l’île autant pour les locaux que pour les touristes, lèvent de longs nuages de poussière derrière eux, jusqu’à disparaître au loin. Des vaches marchent en file indienne, quittent le village le matin pour aller brouter l’herbe sur les hauteurs, et rentrent au bercail le soir venu. On entend parfois meugler le chef de file pour rappeler les trainards à l’ordre. Plus fréquent, le bruit des machines qui travaillent le bois parvient à nos oreilles jusque tard dans la nuit. Scies circulaires, rabots et tronçonneuses rythment la vie du village. Plus rare, le bruit pétardant des moteur des barques de pêcheurs, qu’on peut apercevoir au loin.
Notre visa Russe de courte durée ne nous permet pas de rester plus longtemps. Nous quittons tôt le matin les odeurs de thym et de poussière, l’eau douce et potable du lac, et des paysages que nous aimerions revoir un jour sous une étendue de neige et de glace, faisant corps entre l’île et la terre ferme. A bord d’un nouveau minibus dont on espère que le chauffeur ne nous forcera pas à nouveau à planter nos ongles dans le cuir des sièges !
2 Comments
Wow wow wow… On se laisse bercer et entrainer dans ce voyage incroyable. Merci merci merci ! Ca rapelle des souvenirs et donne des idées 🙂 Je pense bien fort à vous les loulous. Bisous d’amour
La Russie est si immense et si belle que je doute que l’on puisse un jour se lasser de ces paysages si magnifiques et passionnants.
Vous vivez une expérience extraordinaire ! Profitez, profitez et profitez !
PS : je viendrais volontier avec vous lors de votre prochaine expédition sous la neige ! 🙂