Le soleil va bientôt disparaître. Des dizaines de vacanciers sont assis, seuls ou à plusieurs, perchés sur une colline de rocs arrondis. La vue sur les rizières et les ruines du temple Vijayanâgara est imprenable. Quelques macaques et langurs errent entre les rochers, à la recherche d’un peu de nourriture, curieux de voir tous ces bipèdes à vêtements assis sur leurs territoires. Juste en-dessous, une plateforme rocailleuse où des vacanciers et des locaux jouent de la musique ; ce soir, deux hang drum, des percussions, quelques guitares… Les gamins qui vendent du chaï et du jus de citron se joignent à la musique et entonnent des chants indiens, faisant vibrer les cœurs avec leurs voix lumineuses.
Bientôt 2016
Dans quelques heures, c’est 2016. La nouvelle année indienne avec ses feux d’artifice et ses cris de joie se déroulera sous nos yeux, dans la vallée. Nous restons là, perchés sur les blocs, le temple Hanuman qui se détache de l’horizon assombrie.
Nous jouons de la guitare, allongés sur les rochers maintenant refroidis. Nous regardons les étoiles avec Dany ; ce voyageur allemand, sur les routes depuis 14 mois, parle de l’ennui du voyage, de ces moments de fatigue intérieure, de remise en question, où la routine du mouvement peut devenir un poids ; empaqueter, quitter un lieu, passer des heures dans des transports souvent inconfortables, marcher sous le soleil vif de midi, chercher un lieu où dormir, négocier, toujours négocier, pour les transports, pour la chambre. N’avoir rien d’autre à penser que de se nourrir, et pourtant être sans cesse bousculé par les imprévus. Dany est prêt à rentrer en Allemagne, prêt à tourner la page de son voyage et partir redécouvrir son chez-lui.
Nous avons traversé tant de pays et tant de villes pour nous retrouver ici, au cœur de l’Inde et de ses déserts, dans le village au nom évocateur de Hampi. Perdu au milieu des terres arides du Karnataka, Hampi est comme une illusion sortie de nulle part, un décor posé là par une main invisible, entouré de collines aux mille rochers pailletés de rose et d’orange au soleil couchant. Un paysage de feu, le soleil brûlant les rochers cuisants qui, aux plus chaudes heures, semblent s’élever comme un mirage dans l’air opaque et humide. Le sol aride de ces formations géologiques est entouré de végétation foisonnante, forêts de bananiers, cocotiers solitaires, hauts arbres aux feuilles géantes, et à leur ombre, des rizières, partout des rizières.
Des rizières, encore des rizières
En ce début du mois de janvier, les rizières changent de visage. De parcelles détrempées, boueuses et donnant l’impression d’être à l’abandon, sur lesquelles l’eau réfléchit les couchers de soleils et leurs mille couleurs, les champs se remplissent de vie. Quelques jours où les tracteurs munis de roues métalliques et les chars tirés par buffles et zébus passent et repassent dans l’eau boueuse. Puis, des femmes par dizaines, pliées en deux, qui caquettent et chantent en repiquant les jeunes épis, alignés, suivies par des jeunes qui tirent au cordeau les chemins. L’échine courbée en angle droit, ils déplacent les quelques brindilles solitaires qui pourraient pousser au milieu du passage. Entre les rizières, des digues permettent de sillonner les larges champs et souvent un cocotier prend le soleil, les pieds dans l’eau.
Pendant que ces femmes travaillent inlassablement sous la chaleur diurne, les touristes sont regroupés dans les hôtels, les restaurants, profitant de l’ombre et des espaces aérés de ce village bordé par une rivière.
Aux premières heures du jour, de nouveaux arrivants attendent que les bateliers veuillent bien s’activer pour leur faire traverser le petit bras de rivière, à bord de leur minuscule ferry. Ils avancent à petits pas, chargés de leurs sacs à dos, à la recherche d’un lieu pour dormir. A petits pas également, des grimpeurs sur bloc quittent leurs hôtels, un crash-pad chargé sur le dos, avec une démarche de tortues…
Sous le soleil couchant
Nous étions arrivés à Hampi un soir au soleil couchant, dans un bus rempli d’élèves en uniforme bleu ou beige qui rentraient de l’école. Nous avions traversé des petites villes poussiéreuses de campagne avec d’imposants temples dédiés au dieu Hanuman (dieu des singes), remplies de circulations, de véhicules, de charrettes tirées par des vaches blanches sacrées aux longues cornes. Le bus avait longé un ensemble de temples et de ruines jusqu’à la lisière d’un quartier vivant, le Hampi Bazaar, au pied de la plus haute tour du temple Virupaksha. C’est là que la plupart des habitants se sont installés il y a des centaines d’année. La bourgade, prospère grâce à l’agriculture, est devenue avec le temps un lieu de pèlerinage important, d’un point de vue religieux pour les hindous, pour d’autres raisons sans doute concernant les voyageurs.
De l’autre côté de la rivière, les locaux ont construit un ensemble de guesthouses et de restaurants le long de la rivière, dans un cadre magique et assez puissant pour retenir les voyageurs les plus chevronnés, les vagabonds au long court à la recherche de lieux où rester un temps…
3 Comments
Salut les voyageurs
C’est toujours aussi beau , je parts un instant en voyage à chaque fois que je vous lis et regarde ces belles photos.
Merci !
Merci les copains… C’est superbe ! Je pense fort à vous 🙂
Coucou Béa et Corentine,
Merci de prendre le temps de voyager un peu avec nous et de partager votre enthousiasme, ça donne envie d’écrire encore et encore !
Bises
Coline