Presque instinctivement, on répond à cette question. Pourtant ça fait bien longtemps que Brian a quitté sa cuisine, les pages des bouquins scolaires d’anglais, et même les USA.
La vingtaine bien entamée, 4 ans de services dans les marines, divers jobs et une traversée des States d’East Coast en West Coast en stop (Yeah Man !) finissent par le convaincre que le rêve Américain, c’est plus ce que c’était (Fucking shit Man !). Ajoutez à ça une envie d’aventure et de vagabondage, et le voilà qui se met à rêver de Chine. Brian fait partie de ceux qui font le « grand saut », qui rêvent d’abord et mettent un pied devant l’autre après. Bref, un avion plus tard, il voyage en backpacker en Chine. De couchsurfing en couchsurfing, il finit par rencontrer Qing (prononcer « Chin »). Au cours de longues soirées à discuter ils se trouvent des passions communes. Des envies de voyages, et peut-être aussi le désir d’expérimenter d’autres possibilités de vie ? Il était de passage, elle lui avait mis son canapé à disposition, et finalement ils repartent à deux sur les routes. 2000 km de vélo côte à côte à travers la Chine (Fucking cool Man !), renforcent leur envie de vivre ensemble. Ils se marient, « pour la paperasse », et trouvent un petit coin tranquille pour les prochaines années : Qing est enceinte.
Miss Chang et Captain America sous le même toit
Nous avons rencontré Qing et Brian dans le cadre d’un workaway. Le workaway c’est ce qu’on appelle plus communément du woofing en France. Et le woofing, pour ceux qui n’en auraient jamais entendu parler, se résume à aller vivre chez des gens un certain temps, en échange de quelques heures de travaux divers par jour.
Qing et Brian vivent dans une modeste maison de campagne proche de Chengdu. Qing travaille de chez elle, en faisant de la vente sur internet. Bilingue, elle vend à des particuliers autour du monde ce qu’elle achète à des grossistes en Chine, par l’intermédiaire d’une boutique online. Lui aussi travaille principalement à la maison. Il développe une application qui devra permettre à des chinois d’apprendre l’anglais. Deux à trois fois par semaine, il prend un taxi pour aller travailler dans les locaux de l’entreprise qui l’embauche, en freelance. Le reste du temps, un ordinateur et une connexion internet lui permettent de travailler de chez lui. Ayant la liberté d’organiser son emploi du temps, Brian se permet quelques « extras » en donnant des cours d’anglais par l’intermédiaire de Skype, aux intéressés dans les quatre coins du globe.
Du travail en guise de repos
Après beaucoup d’hésitations (fluctuant de chinoiserie en chinoiserie), nous avions finalement décidé de faire prolonger d’un mois nos visas pour la Chine. La procédure dans les bureaux du PSB (Police Security Bureau) de Chengdu est de sept jours ouvrés, nous avions donc un peu de temps à tuer après y avoir déposé nos passeports. Les attractions touristiques ne manquent pas autour de Chengdu, mais l’envie de se (re)poser un peu prend le dessus sur la course aux sightseeing. L’accessibilité depuis la ville en métro et surtout la description qui parle de permaculture et autre organic farming, finissent par nous convaincre de quitter la ville pour la campagne toute proche.
C’est comme ça que nous nous sommes retrouvés à la sortie du terminus de la ligne 2 du métro, à attendre notre hôte sous une chaleur assommante. « Hey guys !! ». Cheveux blonds mi longs balancés en arrière, un look surfeur légèrement enveloppé et, vous l’aviez deviné, des « fucks » qui rythment ses phrases. On aurait difficilement pu trouver plus américain en Chine.
Brian a garé sa moto un peu plus loin. Une petite 70cm3 entièrement repeinte en noir à la bombe. Pas de plaque d’immatriculation à l’arrière, pas d’assurance. Il s’en sert principalement pour aller faire des courses au marché avec Qing, et acheter de grands bidons d’eau potable pour la maison.
Habituellement, il évite de s’enfoncer autant dans la ville avec sa moto, ne voulant pas provoquer les autorités chinoises. Il envoie plutôt un ami chinois récupérer ses invités à la sortie du métro. Aujourd’hui nous sommes deux et bien chargés, une bonne raison pour lui de faire une exception. Après quelques minutes d’attente, l’ami nous rejoint sur sa moto. Un deux roues chinois, plus puissant que celui de Brian et équipé, par son propriétaire, d’une grosse enceinte qui crache du son techno partout où il passe. Je monte derrière le Chinois, Coline derrière Brian, et nous prenons la route pour la campagne. Une côte particulièrement raide monte jusqu’à la maison de Qing et Brian, perchée presque tout en haut d’une colline. On comprend l’utilité de la moto pour aller au marché et remonter les victuailles.
Brian est un touche-à-tout. Il lit un bouquin, découvre un tutorial sur youtube, et met en pratique ce qu’il a appris. Ce qui l’a amené à construire des arcs, tailler des bijoux dans des culs de bouteilles, faire du savon, un petit peu de musique aussi etc. La permaculture semble faire partie de ces découvertes là. On n’apprendra pas grand-chose sur ce sujet qui nous intéresse pourtant. Si ce n’est l’image que lui s’en fait : « Tu laboures un coin de jardin, t’y jettes quelques poignées de graines et puis tu laisses faire la nature. Surtout tu ne touches à rien, les plantes vont s’entraider et tu n’auras qu’à récolter tes légumes de temps en temps »…
La Chine côté campagne
Le workaway n’en est pas moins sympathique. Brian semble enthousiaste d’avoir des gens chez lui avec lesquels il peut échanger, parler et surtout raconter. L’américain est un peu perdu dans l’immensité de la Chine. Très critique envers sont pays d’origine, il ne l’est pas moins contre celui qui l’accueille.
Finalement notre travail se résume à quelques coups de pelle, pioche, et râteau dans le jardin. Sinon une logique participation aux taches ménagères. Coline se fait une joie de préparer des plats succulents avec les aliments frais que nous allons chercher au marché le matin, avec la moto de Brian. Ces plats font la joie de l’américain qui y voit une belle alternative au riz ! Qing profite de cette cuisine avec un petit plus de méfiance, et il a fallu s’adapter aux traditions chinoises : Pas question de manger des légumes sans qu’ils aient au préalable été frits dans de l’huile. Et le riz doit être cuit à point, même le ricecooker, pourtant automatique, n’arrive pas toujours à la satisfaire.
« Qing travaille de chez elle, en faisant de la vente sur internet. Bilingue, elle vend à des particuliers autour du monde ce qu’elle achète à des grossistes en Chine, par l’intermédiaire d’une boutique online »
Imaginez : il fait 34°C à l’ombre, on revient transpirant du marché sur la petite moto. Des tomates fraiches dans le sac à dos, quelques œufs, de l’oignon sauvage, de la coriandre, quelques feuilles de salade etc. Il est midi, la chaleur est accablante. En découpant les tomates on découvre une chaire rouge foncée, épaisse et juteuse, à l’image d’une cœur de bœuf du jardin. On jette tout ça dans un saladier, Coline prépare un savant mélange d’épices et d’herbes, qu’elle saupoudre sur les tomates. Les œufs sont faits façon « brouillés » pour apporter encore un peu de consistance au plat. Jusque-là tout va bien, les estomacs grognent et le corps sent déjà la fraîcheur bienvenue de ce plat de saison. Seulement, une poêle pleine d’une huile, dont beaucoup de mets chinois ont le goût, attend avec impatience qu’on lui offre quelque chose qu’elle pourra frire. C’est à ce moment-là que tout bascule. Le saladier, rempli à raz bord de tomates juteuses, d’herbes fraîches et de quelques épices, est renversé dans l’huile chaude qui se met à frémir. Toutes les saveur s’envolent ou sont brûlées. Il ne reste qu’une bouillie au goût unique d’huile, et évidemment les œufs y sont passés aussi.
« Coline se fait une joie de préparer des plats succulents avec les aliments frais que nous allons chercher au marché le matin, avec la moto de Brian »
On n’en fera pas un drame (enfin…), mais on ne comprend pas. Tout comme les fruits que les chinois mangent peu ou pas mûrs. Dans le train pour Chengdu on nous avait tendus des petits fruits ronds tout verts. Des prunes, bien dures. Ici on nous confirme qu’il n’y a rien d’anormal à ça, les pèches posées sur une commode dans la cuisine, que Qing mange régulièrement, sont aussi dures et trop vertes pour que nous osions nous y risquer.
Le couple a deux petits chiens, « Hey boy ! » et « Lazy little shit ! », ou encore « Panpan » et « Snowball », selon l’humeur. Snowball porte bien son nom, une petite boule de poil blanche de 15cm de haut sur 30 de long. Un regard craquant qui lui attire une attention pour laquelle Brian ne cache pas une certaine jalousie.
Le temps passe lentement et à vrai dire, on ne fait pas grand chose. Les hamacs accrochés dans la cours, à l’ombre d’un grand arbre, appellent à des siestes continues. Brian semble content du travail effectué dans leur petit jardin et nous invite à en faire encore moins.
Après une semaine il est temps pour nous de redescendre en ville. Nos passeports nous attendent au PSB et la chaleur qui ne fait qu’augmenter nous pousse vers une retraite encore plus en hauteur sur les montagnes. L’Himalaya n’est plus très loin, au-dessus de 2000 mètres l’été est plus doux et les nuages de pollution devraient rester en-dessous.
Comment
Pas de porte à peindre, pas de tuyaux à sertir ni de disjoncteur à brancher alors une petite sieste ( bien méritée).
Bonne détente les jeunes.