Entre voyageurs de Chine on l’appelle plus communément le Lugu Lake, certainement parce que tous les voyageurs ne sont pas français… Et si on avait poussé notre apprentissage du chinois un peu plus loin on aurait dit « Lugu Hu ». Sur notre route en direction de Lijiang et puis plus profondément vers l’Himalaya, nous avons marqué une pause de quelques jours sur les rives du Lugu (entre fin connaisseurs on ne précise même plus que c’est un lac).
Le lac Lugu (vous n’êtes pas encore de fins connaisseurs) se trouve à la frontière entre les provinces du Sichuan et du Yunnan, à 2685 m d’altitude, rien que ça. L’eau cristalline, les quelques îlots, les forêts verdoyantes et les montagnes entre 3000 et 3750 m d’altitude qui l’entourent, en font un paysage de carte postale.
Parsemées tout autour du lac, sur ses berges, quelques minorités habitent dans de petits villages. Les plus nombreux étant le peuple Mosso. Une des dernières sociétés matriarcales et qui pratiquerait l’union libre.
Avant d’entrer dans ce qui s‘annonce comme un grand bol d’air frais dans notre voyage à travers la Chine, le bus marque un arrêt devant une « douane ». Nous nous acquittons des droits d’entrée pour le domaine du Lugu Lake.
Avec ses 1,4 milliards d’habitants, une classe moyenne qui a le vent en poupe, prête à dépenser sans compter et avide de tourisme, le gouvernement chinois a su exploiter le filon. Il fait payer l’entrée à tous ses espaces naturels préservés, vieilles villes et autres potentiels « spots touristiques ». Pour peu que le « spot touristique » soit classé par l’UNESCO, le prix double voire triple. L’être humain est une matière première dans laquelle il faut investir !
Nous sautons du bus à Duoshe, un village à quelques kilmomètres du lac. Il pleut en fines gouttelettes, et le thermomètre a perdu quelques degrés. Comme on nous a confisqué notre bouteille de gaz à la gare de Chengdu (présomption de terrorisme ? Le monde a peur…), nous devons d’abord trouver du carburant pour notre réchaud (gaz ou essence). Trouver une bouteille de gaz à Duoshe révèlerait du miracle, de l’essence par contre, malgré les nombreux deux roues électriques qui circulent en Chine, devrait être plus simple à trouver.
Toujours sous la pluie, nous sillonnons le village dans un sens puis dans l’autre, pour finalement trouver notre salut chez un garagiste. Dans l’arrière court, le jeune homme transvase un fond d’essence dans notre bouteille.
La pluie a cessé mais la fin de journée est proche, nous nous trouvons un hostel sur les rives du Lugu, dans un des village entre Luowa et Wuzhiluo, pour cette première nuit. L’endroit est relativement calme mais les touristes affluent. Et, le touriste chinois est certainement le plus difficile à côtoyer. Malgré les pancartes dans l’hostel, priant les clients d’être silencieux en début de matinée, nous sommes réveillés tôt par un raffut de portes qui claquent, de pas lourds sur le plancher, et de voitures qui partent en klaxonnant.
Rassasiés et chargés, nous quittons les vacanciers en empruntant un large sentier qui grimpe sur une colline, vers une presqu’île du lac. Il fait chaud en cette fin de matinée, la sueur ne tarde pas à couler à mesure que nous prenons de la hauteur. La vue est splendide, on aperçoit quelques hameaux tout en bois, des pêcheurs et cultivateurs, au bord de l’eau, entourés de champs de maïs et de légumes, et des barques le long de courtes jetées sur le lac. Accessibles seulement à pied, ils semblent isolés de la masse des touristes.
Arrivés sur un col, on entend le chahut qui nous vient du prochain spot à touristes, en contrebas, de l’autre côté. Pendant que le ciel se charge doucement de nuages, nous nous enfonçons un peu plus sur la presqu’île. Après quelques centaines de mètres, un sentier caillouteux nous amène jusqu’au bord de l’eau. Nous avons à peine le temps de repérer un peu les lieux, trouver un endroit relativement plat (pas facile) pour planter la tente, que le ciel se met à gronder. Des nuages noirs arrivent de l’est, la rive opposée du lac disparaît doucement derrière un rideau de pluie. Le montage de la tente se fera sous une légère averse.
Le lendemain nous longeons la rive, entre l’eau presque turquoise du lac et la colline abrupte qui y plonge. Rapidement nous nous retrouvons dans le spot touristique entendu la veille. Quelques barques de pêcheurs des peuples mossos reconverties en promène touristes. Les pêcheurs deviennent guides et leurs revenus s’en voient multipliés. Comment résister ? Nous profitons du lieu pour manger un morceau, refaire le plein d’eau avant la prochaine balade.
Tout comme la veille, il fait beau et chaud ce matin. Le sentier que nous suivons cette fois ne longe pas la montagne du côté lac mais côté campagne. Des marécages, des champs, des bassins qui pourraient servir de pisciculture, quelques maisonnettes… Les chemins que nous empruntons sont de couleur ocre, toujours parsemés de pins et même de chênes verts. Des cigales nous accompagnent dans notre marche à travers ce qui pourrait être le sud de la France en plein été.
Quand les étendues du lac s’offrent à nouveau à nos yeux, nous apercevons ce qui semble être un petit Resort, posé au centre d’une magnifique anse. Sans hésitation nous descendons vers la crique, « peut-être qu’on pourra y passer la nuit ». Mais non, personne pour nous accueillir, l’endroit est désert, et certainement depuis quelques temps, vu l’état partiellement délabré des lieux. Entouré d’énormes eucalyptus qui embaument l’air, l’endroit dégage une sérénité qu’on n’a pas trouvée sur d’autres parties aménagées du lac.
Nous posons la tente sur la terrasse du Resort, en avance sur l’averse du jour qui ne tardera pas à arriver. Un pêcheur nous surprend mais ne fait que passer. Il met une barque à l’eau, monte à bord et déroule un long filet à une vingtaine de mètres de la plage.
Après une nuit agréable sur la terrasse parfaitement plate du Resort, nous cherchons à regagner un village non loin de là. Les marécages nous forcent à un petit détour. Ce qui nous amène à croiser quelques femmes Mossos qui s’afférent dans des champs. Une serpe à la main, elles entretiennent leurs cultures. Le terrain est parfaitement irrigué, de petits canaux dirigent l’eau vers les différentes parcelles avant de se jeter dans le lac.
De nouveau sur le sol stable d’une route goudronnée, nous avançons plus rapidement en faisant des sauts de puces en stop. Les touristes chinois ne rechignent pas à avoir des blancs dans leurs voitures, bien au contraire.
Quelques villages plus loin, juste avant Lige, nous posons notre tente sur le toit d’une auberge de jeunesse, les dortoirs étant complets. Nous profitons d’une douche et réservons deux sièges dans un bus pour le lendemain matin pour Lijiang.
Avant de profiter de cette dernière soirée au bord du Lugu, nous allons affronter un colosse qui nous fait de l’œil depuis le premier jour. Le mont Gemu domine de quelques 1000 mètres la surface du lac. Quelques centaines de mètres sous son sommet une grotte est devenue un lieu saint.
D’abord surpris qu’aucun télésiège ne monte tout là-haut (des télésièges sont installés un peu partout en Chine, que ce soit pour monter sur la grande muraille ou pour des lieux saints hauts perchés), on en aperçoit un en nous rapprochant de la base de la montagne. On préfèrera la monter à la force des jambes. Le plaisir d’arriver en haut, s’asseoir, admirer, pendant que le corps se repose. Et puis toujours, à mi-chemin, se demander quelle folie nous a encore lancés dans une entreprise pareil…
Arrivés en haut, quelques chinois qui nous ont aperçus du télésiège nous félicitent pour notre ascension pendant qu’un autre hésite sur le comportement à tenir. Celui qui réceptionne les passagers du télésiège. Alors qu’il semble vouloir nous réclamer de l’argent (pour le télésiège que nous n’avons pas pris ?), certains des chinois qui nous ont vus monter lui font une leçon de morale… Nous, on s’éclipse.
Quelques dizaine de marches plus haut, on pénètre dans la montagne. Une immense grotte est éclairée et décorée avec de nombreuses guirlandes, à la façon d’un sapin de noël. Dans la partie la plus reculée un moine offre des verres d’une eau tombée au goutte à goutte d’une stalactite.
Le mont Gemu est la montagne sacrée des Mossos. Leur religion se trouve dans l’animisme et le culte du ciel et de la montagne.
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